Six îles éoliennes, Sicile et Sardaigne

[euro6]

Jeudi

Nous continuons notre progression vers l’ouest de la côte sud par les pistes et petites routes côtières.
Partout ici on peut trouver des petits commerces de village ou des marchands de bord de route qui proposent des fruits et légumes de qualité pour des prix très doux. Il n’est pas rare que le vendeur ajoute gracieusement un bouquet de basilic pour parfumer le plat que nous cuisinerons. Le pain sicilien, très particulier, légèrement brioché, est facile à trouver dans les panificio, et toujours très bon.
Nous visons la plage de galets blancs située à l’ouest de Siacca à laquelle nous accèderons facilement. Seulement cinq campements sauvages sur plus d’un kilomètre de plage et d’eau claire. Seul inconvénient de ce bivouac enchanteur : pas l’ombre d’une ombre !



La nuit tombe vite et nous cuisinerons quelques grillades sur notre petit barbecue finlandais Suomi alimenté d’abord avec quelques brindilles et branches sèches puis par une poignée de charbon de bois qui fournira une chaleur douce et constante pour dorer la viande à point. Quelques vins italiens réchauffent l’ambiance qui ne manquait pourtant pas de chaleur, sous la lueur d’une lune presque ronde.

Vendredi

Toujours le long de la côte, nous rejoignons le site grec de Selinunte où se trouve un temple splendide que la chaleur et la foule nous feront fuir. Nous préférons une pause déjeûner sur une terrasse ombragée du petit port de Granitola Torretta. Très peu de monde, pas de touriste étranger, des serveurs attentionnés et des prix plus que corrects finissent de nous convaincre de notre choix.
Nous traversons Mazara puis Petrosino où nous tenterons le terrain de camping de Pizzolato finalement pas à notre goût. Nous traversons ensuite Marsala, ville bien connue pour son vin si particulier qui fit concurrence au Porto ibérique, et remontons vers le nord en direction de Trapani.



Finalement nous ferons halte aux salines, près de la réserve naturelle de l’île de Stagnone. Posés à quelques mètres de la rive, la soirée se passe en partie au bar pour jouer aux cartes, pendant que souffle un fort vent chaud qui oppresse et empêche toute sérénité.

[euro6]

Samedi

Nous replions le camp et déjeunons d’un plat de délicieuses pâtes sur terrasse avec vue sur l’île de Favignana, avant de continuer sur Trapani où nous projetons de faire quelques courses.
La température monte à 36°C et la ville est désertée de ses habitants qui restent cloîtrés derrière leurs persiennes ou bien grillent sur le sable brûlant des plages urbaines. Nous choisissons soigneusement une terrasse pour y déguster une glace et attaquer un tournoi de champagne (le jeu de carte, pas la boisson !). La ville sort de sa sieste vers 17H00 et nous laisse le temps d’effectuer les quelques achats indispensables (sandales, lunettes,…).
Nous remontons vers le nord en direction de la très prisée péninsule de San Vito en ce samedi soir de libations. La petite ville touristique est littéralement prise d’assaut par une foule bruyante qui rend l’endroit insupportable.
La nuit tombe lorsque nous nous installons à proximité de Punta Lunga, tout près de la mer, bravant la zone de circulation réglementée, à l’instar d’un groupe de jeunes déjà discrètement posés dans une crique tranquille.



Dimanche

Nous décampons assez tôt ce matin afin de passer avant la fermeture des accès automobiles aux plages que nous squattions.
Pour notre dernière journée sur l’île, nous décidons de visiter la zone touchée par un terrible tremblement de terre en janvier 1968. La ville nouvelle de Gibellina a été érigée à cette période pour reloger les milliers de sans-abris. Un large mouvement de généreux donateurs a permis de concevoir et construire cette ville contemporaine, et surtout de l’équiper de monuments et sculptures qui en font sa particularité. Une trentaine de bâtiments et œuvres d’art remarquables émaillent le plan de la ville. Parmi eux, une étonnante église bâtie en 1972 dont l’architecture exceptionnelle est organisée autour d’une énorme coupole sphérique de béton enchâssée dans un parallélépipède de pierre dont l’aspect extérieur pourrait faire croire de prime abord à une mosquée. L’intention de l’architecte était d’ailleurs délibérée de mêler les deux influences chrétienne et musulmane dans une interprétation toute personnelle.



Dans la cour de la Fondation Orestiadi pour l’Art Contemporain, une œuvre destinée à être éphémère puisqu’elle constitue le décor d’une représentation théâtrale reste finalement en place. Un groupe de chevaux noirs prisonniers d’une coulée de béton crée un ensemble très évocateur de l’angoisse qui a pu être ressentie par les habitants lors des glissements de terrain meurtriers.



A quelques kilomètres de ce lieu vivant se trouvent les ruines du village d’origine entièrement détruit par le séïsme. Burri, un artiste local renommé, a choisi de rendre hommage aux nombreuses victimes, quatre cents morts et plusieurs milliers de sans-abris, en créant la plus grande œuvre de land-art connue en Europe.



Sur le lieu même des ruines du village dévasté, durant cinq années de travail, il a recréé le dédale des ruelles pentues par des couloirs murés de béton banché d’environ 1,5 m de hauteur, en remplissant les îlots d’habitation par du béton massif, comme une sorte de maquette à l’échelle 1 du village disparu. Cet espace de 12 hectares d’un seul bloc est très impressionnant à parcourir, en gravissant les rues désertes, au milieu d’un non-décor brut qui restitue bien l’angoisse des habitants piégés dans ce lieu qui fût sûrement un endroit bucolique et charmant.
Etonnamment, ce site à la fois historique et artistique n’est pas mis en valeur, très mal indiqué sur le terrain, quasi inexistant sur les guides touristiques qui préfèrent se concentrer sur les plages et les ruines antiques, donc très peu visité (seul un couple de français partait au moment où nous arrivions, nous étions donc seuls dans ce lieu étrange), et ne bénéficie donc d’aucun entretien.
A la recherche d’une vue d’ensemble sur l’œuvre depuis une colline proche, nous parcourons des pistes et anciennes routes abandonnées depuis 45 ans, et en profitons pour la pause déjeuner-sieste de l’après-midi, près d’une vigne avec une large vue sur la vallée préservée du tourisme.



Nous regagnons ensuite Trapani où nous embarquerons sur un petit ferry pour Cagliari en Sardaigne.

[Manard]

Bonjour Francis,


Elles sont impressionnantes ces œuvres d'art. Je n'avais pas souvenir de ce séisme en 1968, à l'époque j'étais lycéen, nous étions moins au courant des infos temps réel que maintenant.

Merci pour ce reportage en Sicile, nous allons te suivre en Sardaigne

Bonne soirée

Bernard

[euro6]

Lundi 29 juillet - Sardaigne

Nous débarquons à Cagliari de bon matin par mer calme.
Après un petit-déjeuner pris à la terrasse d’un café de la vieille ville, nous arpentons le centre historique et ses ruelles commerçantes. La ville semble agréable. « La bella Cagliari », ne dit-on pas ?
Cet intermède urbain se poursuit vers l’est par la côte partagée entre des zones très urbanisées colonisées par des villégiatures prétentieuses, et des zones de montagne plus sauvage qui côtoient la mer. L’accès aux plages n’est pas facile, les endroits intéressants sont souvent bondés, le péage omniprésent décourage toute tentative d’approche. L’attrait de la mer est néanmoins trop fort pour résister et, n’y tenant plus, nous sacrifierons à ce passage obligé qui nous permettra la découverte des fonds marins avec le simple usage d’un masque et d’un tuba.



Il faut aller plus loin, bien au-delà de la Punta Molentis pour trouver des lieux moins fréquentés. Malgré tout, il n’est pas aisé de s’approcher du littoral. Après plusieurs tentatives frustrantes (dont un endroit situé au cœur d’un terrain militaire… !), nous optons pour une piste qui grimpe sur la colline jusqu’aux ruines du château Castello de Quirra. Là, à la nuit tombante, nous nous installons au col, avec vue sur la mer et la lande littorale sauvage.
Ce premier jour en Sardaigne fut aussi celui du record de chaleur. Alors que le maximum atteint en Sicile était de 36°C, ponctuellement 37°C, nous avons subi cet après-midi une température de 41°C !
La quantité de chaleur accumulée durant la journée est telle que nous dormons en laissant un panneau latéral du toit ouvert pour ventiler au maximum l’espace réduit de la cellule. Au milieu de la nuit, le vent se lève et rafraîchit l’atmosphère. Mais il apporte également une odeur de fumée désagréable. L’odeur persiste, en même temps qu’une lueur apparait à intervalles réguliers contre la paroi blanche. Au loin, dans la vallée, vers le nord, des véhicules à gyrophare arrivent successivement, sans sirène audible. Je me lève et descend à pieds la piste sur quelques centaines de mètres pour tenter d’en voir plus. Les véhicules de secours sont bien là, à plusieurs kilomètres, et l’odeur perçue est bien celle d’un nuage de fumée poussé par le vent jusqu’à notre campement. Tout cela confirme l’existence réelle d’un départ d’incendie. Même si je n’ai pu constater de visu aucune flamme, je décide de lever le camp afin d’éviter tout risque de se retrouver piégé ou confronté à l’avancée d’un front de flammes avec des solutions de repli peu nombreuses. En effet seul le fait de reprendre en sens inverse la piste d’arrivée pouvait nous permettre de nous éloigner, puisque la continuité de la piste allait en direction du nuage de fumée. En quinze minutes, sans précipitation excessive, nous quittons cet endroit pourtant agréable et déniché après une longue recherche, et redescendons la piste accidentée vers le sud pour retrouver la plaine côtière. Il est 01H30 et nous échouons près du port de Porto Corallo. Le reste de la nuit s’est bien passé.

[euro6]

Mardi

La nuit fut courte . Après un petit-déjeuner près de la plage, nous décidons de nous écarter du bord de mer pour entrer dans l’arrière pays. Le but consiste à rejoindre Jerzu en passant par la montagne. La petite route qui serpente de SanVito à Jerzu en passant par Escalaplano et Perdasdefogu traverse des paysages superbes. Nous faisons halte sous un chêne-liège le long d’une piste latérale avant d’arriver à destination. La pause se prolonge une bonne partie de l’après-midi, à profiter du paysage, de l’ombre reposante, du calme, pour dormir, lire…

Nous établissons notre camp à proximité de la grotte de Su Marmuri, sur un espace plat qui fut une aire de pique-nique aujourd’hui en ruines. Un couple avec une fille et un chien sont déjà installés. Originaires de Suisse, ils terminent dans deux jours un séjour de trois semaines en Sicile et nous indiquerons quelques endroits qu’ils considèrent comme incontournables pour la suite de notre balade.



Sur la route, une fontaine d’eau fraîche aura reconstitué notre stock d’eau, et permis de faire une grande lessive qui séchera cette nuit sur un dispositif d’étendage aussi ingénieux que loufoque.

Mercredi

Ce matin, après avoir pris chacun une douche réparatrice, nous visitons la grotte de Su Marmuri, la plus grande d’Italie en terme de volume, avec d’immenses salles dont la plus haute des trois fait 42 mètres, et un développé visitable d’un kilomètre. Une très impressionnante stalagmite de vingt mètres de hauteur trône dans une des salles, parmi d’autres concrétions toutes plus évocatrices les unes que les autres. Cette grotte est en accès régulé depuis seulement vingt ans, après avoir été toujours accessible librement et avoir subi de nombreuses et irrémédiables dégradations dues au vandalisme imbécile. Cette caverne est trop humide pour n’avoir jamais été habitée, mais recèle tout de même les traces accumulées pendant des millions d’années de l’histoire naturelle de ce lieu. L’équipement installé au fond de ces salles souterraines, en particulier l’éclairage, et la visite de milliers de personnes sont en train de dégrader très rapidement un patrimoine naturel qui a mis tant de temps à se former…
On « bénéficie » d’un différentiel de température de plus de 20°C, le temps de quelques marches, entre la température extérieure ambiante et les 10°C de la caverne.
Un déjeuner au restaurant attenant au départ de la grotte nous remet d’attaque pour parcourir la région centrale de Basse-Barbagia avec ses villages pittoresques, et en particulier celui d’Orgosolo.





Sa particularité (presque) unique réside dans le fait que nombre des murs des maisons sont recouverts de peintures murales, toutes sur le thème du refus des guerres, mais aussi du droit à l’indépendance des peuples, des mouvements de résistances aux agressions, des droits humains, et du bonheur.





Dans des styles et des qualités visuelles différents, les peintures sont toutes intéressantes et rendent ce village bien sympathique.



Quelques achats et un verre en terrasse plus tard, nous retournons quelques kilomètres en arrière pour aller voir de plus près un terrain de camping dont on avait aperçu le panneau indicateur sur la route. Il s’agit d’un restaurant de montagne qui offre la possibilité d’hébergement dans quelques huttes sardes ainsi qu’un espace d’une dizaine d’emplacements pour le camping. Seuls trois 4x4 de français en balade off-road viennent d’arriver. Nous prenons possession d’une petite surface plane d’accès acrobatique (une des rares fois où la position 4x4 courtes fut nécessaire) qui nous offre une fin de soirée à l’ombre des pins. On se croirait presque en bivouac tant l’aménagement est sommaire et l’affluence réduite et discrète.

Une soirée de jeu de cartes finit de consacrer notre fille championne hors pairs. Nuit parfaite.

[Jaclim]

...ils terminent dans deux jours un séjour de trois semaines en Sicile et nous indiquerons quelques endroits qu’ils considèrent comme incontournables pour la suite de notre balade.

Euuuuh ?! Tu ne veux pas dire en Sardaigne, des fois ? ...? (Juste pour montrer que je suis ! )

Sympathique votre balade familiale ... avec ses parties de cartes.
J'adore ce village, Orgosolo, avec ses fresques murales contre la guerre et les asservissements. Singulier et revigorant.

Tout ça est passionnant, vivement la suite !

[dakure]

la sicile heu.... la sardaigne est une belle ile à vivre et à déguster hors saison et plutôt hors période "scolaire" mais Francis s'en sort plutôt bien!!!
J'ai fait l'impasse sur ce village du poing levé mais découvert d'autres choses du genre, j'associe cette révolution peinte aux peuples celtes et biens d'autres, fier d'une identité forte dans ses choix et ses idées, choix et idées bien souvent détachées du "rapport politique", plus dans une idée de vie et de partage, moins mercantile et plus dans le vivre, mais avec ses choix, plus proche de ce que je vis dans mon frigo, la valeur des gens avant l'étiquette, çà je respecte profondément et çà va dans "mon tempo".
le gamin qui joue aux boules, j'espère qu'il a conscience de la fresque derrière....
La suite STP

[euro6]

euro6 a écrit:...ils terminent dans deux jours un séjour de trois semaines en Sicile et nous indiquerons quelques endroits qu’ils considèrent comme incontournables pour la suite de notre balade.


Euuuuh ?! Tu ne veux pas dire en Sardaigne, des fois ? ...? (Juste pour montrer que je suis ! )

Effectivement, Jaclim, tu suis bien ! Et moi, je patine...

Quant à toi, Luc, j'adhère à ton "parti"...! Moi aussi je suis partisan du choix de vivre.

[euro6]

Jeudi

Nous quittons cet endroit agréable contre une somme des plus modiques, et continuons la traversée de la Barbagie vers l’est pour rejoindre un lieu de randonnée repéré sur les guides, le village nuragique de Tiscali. Repérer ce lieu sur le terrain est une autre affaire ! Signalisation quasi inexistante et pistes multiples nous font jardiner avant de trouver enfin le fameux pont sur le Riu Flumineddu qui est le point de départ des randonnées. Une pause déjeûner sous l’ombre parcimonieuse d’un pin de bord de piste tente de nous remettre en forme pour la balade. A l’extrémité « carrossable » de la piste vers le canyon, nous stationnons pour une pause baignade dans le Riu aux eaux fraîches qui se réchauffent dans des vasques naturelles, un peu comme on le voit également en Corse. La température dépasse les 40°C et nous statuons, à regret, sur l’abandon de notre projet de marche, pour cause de chaleur trop importante.

Dépités, nous quittons les lieux pour repiquer vers la côte ouest. Arrivés à Dorgali, le remord nous envahit, et finalement nous décidons de rester sur place pour pouvoir faire cette randonnée demain matin avant les plus grandes chaleurs. Il ne reste plus qu’à trouver un endroit pour passer la nuit. Un abri viticole au milieu d’un vignoble, avec une vue générale sur la vallée du riu, sera un lieu parfait pour se poser. Repas au soleil couchant, puis chacun vaque à ses occupations du soir, qui bouquine, qui surfe sur l’internet, qui échange des messages avec ses amis, qui rêvasse sous les étoiles. Juste avant 22H00, la nuit noire s’est installée lorsque deux phares et un ronronnement de moteur viennent perturber la quiétude de ce bivouac enchanteur. Le propriétaire du lieu, un personnage peu enjoué, nous intime l’ordre de quitter l’endroit manu militari sans aucune discussion possible. Dix minutes plus tard nous retrouvons la piste et le sardonique sarde barricade l’entrée de son champ. Suit une errance nocturne pour trouver un autre lieu qui puisse nous accueillir pour cette nuit. Nous devrons nous contenter d’une entrée de vignoble clôturée avec juste la place pour la voiture. Nous installons le bivouac et entamons notre nuit interrompue. Cette nuit ne sera pas bonne, perturbée par les aboiements incessants de chiens que la présence d’étrangers dans leur cadre habituel dérange.

[Manard]

Bonsoir Francis,


Se faire déloger le soir tard n'est pas évident pour retrouver un autre coin de bivouac en pleine nuit. Votre point de départ au pont n'était pas propice ? En espagne ça nous est arrivé un soir, il faisait encore jour, mais nous avions du nous replier sur un camping.

Qu'aviez-vous comme connexion internet dans les vignes?

Bonne soirée

Bernard

[Jaclim]

... mais nous avions du nous replier sur un camping.

A 80 km de là !!!!!

[dakure]

Bonsoir Francis,
Qu'aviez-vous comme connexion internet dans les vignes?

Bonne soirée
Bernard

Bernard, moi j'avais 12°5 dès fois 13°

beau récit Francis, j'ai ressenti effectivement un certain agacement envers les 4x4 d'ailleurs et apparemment, les cadenas et grosses chaines font leurs apparitions de plus en plus...
Le caca, c'est quand tu fais 1 km de piste bien défoncé et raviné et que au bout, il y a un portail avec chaine et pas d'espace pour se retourner! enfin de l'espace mais juste après cette chaine.
Là, les baies et l'ensemble a pris un sacré coup de rayure, parechocs y compris... et la végétation est trèèès rude!!!

[euro6]

Se faire déloger le soir tard n'est pas évident pour retrouver un autre coin de bivouac en pleine nuit

Je crois bien que c'est la première fois que cela nous est arrivé de devoir décamper sous injonction d'un propriétaire peu amène... Il est vrai que nous n'avions demandé aucune autorisation à quiconque sachant que nous n'avions personne à qui nous adresser à proximité de cette vigne éloignée des habitations. Le personnage, même peu engageant, était tout à fait dans son droit, et nous ne pouvions que nous incliner faute de pouvoir engager la moindre discussion.

Votre point de départ au pont n'était pas propice ?

L'endroit de départ, à l'extrémité de la piste eut été idéal, s'il n'avait pas été interdit explicitement par des signalisations... Nous nous sommes donc conformés au règlement...

Qu'aviez-vous comme connexion internet dans les vignes?

La carte 3G fonctionnait à peu près bien partout, sinon, le smartphone à la pomme se débrouille toujours bien aussi...

Le caca, c'est quand tu fais 1 km de piste bien défoncé et raviné et que au bout, il y a un portail avec chaine et pas d'espace pour se retourner! enfin de l'espace mais juste après cette chaine.

La même ! Cette situation s'est produite plusieurs fois, plutôt en Sicile qu'en Sardaigne, et les manoeuvres sont parfois épiques, voire même fortes en adrénaline... sans compter les stigmates incrustées dans la peinture du porteur et les diverses matières plastiques de la cellule.

[euro6]

Vendredi

C’est donc fatigués et contrariés que nous nous levons de bonne heure (enfin, à une heure aussi matinale que possible…) pour rejoindre le stationnement d’hier après-midi au bout de la piste. Nous avons finalement décidé de faire la randonnée menant au canyon de Gorropu plutôt que celle, plus longue, conduisant au village de Tiscali.
A l’endroit même que nous convoitions se trouve déjà un VW T5 que nous avions croisé hier soir en quittant le riu. Eux ont osé braver l’interdiction de campement et ont dû passer une nuit parfaite, seuls dans cet endroit superbe, pendant que nous galérions pour respecter les réglementations.
A 08H00 la température est de 22°C et nous partons sur le sentier pour atteindre le canyon. Une fois sur place, sur seulement quelques centaines de mètres, on parcourt un défilé impressionnant empli d’énormes rochers ronds et lisses entre deux parois abruptes de plus de cent mètres de hauteur.



Très beau. Retour à la voiture après cette marche de près de six heures, l’arrivée se faisant sous une température de 36°C. Le déjeuner sera bienfaiteur pour nos corps fatigués par le manque de sommeil et l’effort musculaire conjugués.
Avant de poursuivre notre route vers d’autres régions, et sans rancune malgré notre mésaventure de cette nuit, nous passons dans une cave pour déguster le vin produit localement sur ces collines pas toujours très accueillantes. Le viticulteur, très commerçant, nous propose sa production de Cannonau et saura nous convaincre d’en ramener quelques précieuses bouteilles.
Ensuite, nous quittons la côte sans même jeter un coup d’œil à Cala Gonone, petit port pourtant fameux, pour traverser l’île de part en part et rejoindre la côte ouest. Nous traversons une belle région aux paysages de type anatolien. Le premier contact avec la mer de ce côté-ci de l’île sera pour la tour Pittinuri qui surplombe depuis son roc une mer calme et vierge de baigneurs.
Nous souhaitons éviter de réitérer l’expérience négative de la nuit dernière et nous préférons assurer le coup avec une nuit en camping. Reste plus qu’à trouver, et ce n’est pas chose facile… Des trois concurrents de la pinède située au sud de Santa Caterina, une analyse comparative nous fera choisir le moins stressant pour une nuit réparatrice.

[Pepone50]

Bonsoir Euro6 ,

Il faut bien de temps en temps un grincheux pour nous faire apprécier la multitude de gens adorables que l'on rencontre en voyage.

L'erreur serait de ne pas continuer à apprécier les bivouacs dans ces zones perdues que seules nos véhicules et cellules peuvent rejoindre.

Beau voyage que Sicile et Sardaigne, mais a mon goût trop de km en si peu de temps. Il est vrai que j'ai tout mon temps...Alors je le consomme a toute petite dose. Je chercherai une photo de Cala Golone.

Merci

[euro6]

Bonjour,

ce n'est pas un grincheux qui va nous rebuter, tu as raison Pepone. Celui-là n'effacera pas les centaines de bivouacs agréables et les rencontres parfois improbables et toujours enrichissantes qu'ils peuvent susciter.

Ce qui nous manque le plus, lors de ces escapades , c'est le temps, bien sûr. Nous avons un peu tendance à vouloir emplir nos mémoires de lieux et d'images diversifiées, et le temps limité dont nous disposons nous conduit à accumuler beaucoup de kilomètres (nous qui en parcourons déjà beaucoup pour notre boulot...). Mais viendra peut-être un jour où nous pourrons déguster le plaisir d'être ailleurs sans devoir se limiter.

Nos parcours parallèles nous ont fait croiser pas mal de lieux en commun. Je noterai, entres autres, et en particulier, Granitola Torretta où nous avions remarqué l'endroit que vous avez choisi pour bivouaquer, et où nous avions élu le petit port pour y passer un déjeûner bien agréable.

[euro6]

Samedi

Nous continuons la côte vers le sud jusqu’à Capo Mannu où nous pouvons nous poser à l’écart de toute affluence. Pause mer parfaite (avec l’aide du tarp) pour profiter de l’air marin à respirer et des fonds marins à explorer.





Notre projet aujourd’hui consiste à descendre jusqu’à la cité d’Arborea, en passant par le site de Tharros. Tharros fut finalement écarté du programme pour cause de température suffocante, d’affluence pénible et de coût d’accès prohibitif. Arborea, avec Carbonia au sud-ouest et Fertilia plus au nord, est donc l’une des trois villes nouvelles créées par l’administration mussolinienne des années 1930 en imposant des règles d’architecture et d’urbanisme typiquement fascistes largement inspirées de celles usitées en Allemagne à la même époque.
Le temps d’une pause baignade sur la marina d’Arborea, puis nous nous installons sur la plage, à l’écart des quelques campeurs déjà installés, au bout d’une allée ensablée difficile à pratiquer sans 4x4. L’endroit est agréable, situé à trente mètres de l’eau, en lisière de forêt, avec une vue directe sur le coucher de soleil. Nous palabrons dans la nuit puis allons nous coucher dans une sereine quiétude. Sur le coup de minuit, le silence est déchiré par les vociférations d’un DJ de plage accompagnées des décibels vomis par les enceintes de la paillote située quelques centaines de mètres plus loin. En même temps, le campement voisin que l’on croyait tranquille s’anime lui aussi et ajoute à la pagaille sonore. Une heure plus tard, nous décidons de plier bagages pour un endroit moins couru. Ce sera le parking de la mairie d’Arborea où nous savons que le tapage nocturne est réglementé. Réglementé pour les citoyens, certes, mais pas pour les chiens errants qui n’apprécient pas notre installation nomade et le font bruyamment savoir.

[Jaclim]

Décidément ça a aura été l'été des bivouacs perturbés !

[euro6]

Dimanche 04 août

Nous savions pourtant que, par expérience, le samedi soir est une période critique pour le bivouac en milieu urbanisé. Nous l’avons encore constaté cette nuit à nos dépens.
Malgré la nuit peu reposante, cette date reste néanmoins celle de l’anniversaire de notre fille qui a 16 ans aujourd’hui en Sardaigne.
Nous remontons vers le nord pour quitter cette ville triste et se rapprocher de notre port de départ. La route 292 traverse le village de Tinnura qui arbore sur de nombreuses façades de maison des peintures murales, à la façon de ce qu’on avait vu à Orgosolo, mais dans un style très différent.



Les représentations sont ici plus réalistes et les thèmes restent consensuels puisque les fresques se cantonnent à la représentation de typiques scènes rurales locales.



Bosa est une petite ville agréable où nous déjeunons sur une terrasse alors que la chaleur écrase les ruelles pavées.
La route entre Bosa et Alghero traverse de très beaux paysages côtiers. Nous empruntons la petite route de montagne, à la recherche d’un endroit pour une pause sieste. C’est sur un site archéologique que nous trouvons l’arbre qui nous fournira l’ombre adéquate au repos, dans un paysage dégagé. Chacun se remet de sa nuit agitée. On peut donc trouver en Sardaigne des endroits sans DJ hystérique, sans décibel hurlant, sans vacancier débile, sans laideur artificiellement imposée, sans pollution commerciale !
Nous faisons l’impasse sur la célèbre Grotta di Nettuno faute de temps (et de courage…), puis partons ensuite à la recherche d’un endroit de baignade, mais refluons devant les plages de Porto Ferro, pourtant conseillées, mais bondées en ce dimanche d’août. Un second essai ne sera pas plus concluant, rebutés par la présence des carabinieri qui tentent de faire appliquer les interdictions d’accès motorisé au littoral.

Difficile de bivouaquer dans cette zone, impossible d’utiliser les terrains de camping dispendieux et très loin de nos habitudes de sauvages, nous décidons alors d’innover. Après quelques tentatives nous trouvons un AgriCampeggio près de Fertilia (quelque chose de similaire à nos campings à la ferme) qui sera notre premier test du genre et répondra finalement à nos attentes. Pas de proximité avec la mer, mais par contre un lieu situé loin des routes et des touristes agglutinés ailleurs, au milieu d’une campagne à la température plus supportable, sans la foule et le bruit oppressants. Seule une tente est déjà installée lorsque nous arrivons dans le jardin de cette ferme sommairement mais correctement équipé pour recevoir quelques campeurs. La nuit fut parfaite.

[euro6]

Lundi

A midi, après avoir profité de cet endroit calme, nous quittons l’Agroturismo et continuons notre progression petit à petit vers le nord.
C’est à Argentiera que nous établissons notre halte sur une plage raisonnablement fréquentée.



L’endroit est étrange. Une friche industrielle en partie en ruines et en partie en cours de réhabilitation pour en faire un musée de la mine sert de décor à la plage lovée au fond d’une crique accueillante pour les baigneurs et les voiliers. Au pied du chantier qui semble traîner en longueur depuis de longues années un petit restaurant de plage nous accueille pour une pause déjeuner.
Nous poursuivons par une piste roulante à travers les collines littorales pour finalement rejoindre la route de Porto-Torres. Là, nous passons au bureau de la Grimaldi Lines pour acheter le billet de la traversée Porto-Torres/Barcelone pour notre fils. Bien que l’affichage indique que le bureau ferme à 19H00, il est 18H30 et personne n’est là. Les trois employés étaient au bar du port et arrivent enfin pour faire la fermeture des bureaux.
Une fois le ticket en poche, nous déambulons dans les rues de la ville bien plus agréable que les descriptions généralement données par les guides, et terminons notre dernière soirée à tous les quatre dans un restaurant visiblement réputé. La fin de soirée est animée par les sons d’une scène installée en ville qui emplit l’atmosphère d’airs d’accordéon et de tubes du siècle dernier. Fatigués par la chaleur, le sommeil vient enfin sur ce petit bout de parking situé derrière la gare maritime.

Mardi

Réveil à 05H00 pour accompagner le fiston à son embarquement. A 06H00 nous ne sommes plus que trois et profitons de la fraîcheur matinale pour quitter la ville et s’échapper vers la région de montagne située autour de Tempo Pausania.



Nous découvrons le lever de soleil dans la Valle de Luna aux reliefs si particuliers, puis visitons un nuraghe étonnamment bien conservé près de Aggius.



Pour le déjeuner nous grimpons sur le promontoire qui domine la vallée de Tempo Pausania et établissons un campement sur les monts Limbara, à l’emplacement d’un point de vue panoramique sur le paysage environnant, pour le repas et la sieste qui s’ensuivra.
Deux heures de route nous séparent du port. Nous avons juste le temps de prendre un verre en terrasse avant de rejoindre le quai où l’embarquement est déjà en cours. Les véhicules ayant été chargés en avance sur l’horaire, le départ pour Gênes est très ponctuel à 20H30.

[Jaclim]

Au moins, outre la découverte de la Sardaigne à travers ton voyage, Francis, j'aurais appris ce qu'est un nuraghe. Splendide.

[euro6]

Mercredi 07 août - France

Débarquement à 08H30 à Gênes, puis départ vers la frontière.
Nous souhaitons passer au col de Tende que nous ne connaissons pas encore mais dont nous avons beaucoup entendu parler. La piste d’accès en lacets qui évite le tunnel (fermé ce jour, d’ailleurs) depuis le côté français est impressionnante et mène à un col aux vues superbes de chaque côté de la frontière. Nous nous installons sur un replat de l’autre côté du fort italien pour un déjeuner frugal et une sieste aérée.



C’est le moment que choisit la pompe à eau pour rendre l’âme (si tant est qu’elle en ait possédé une…). Séance de démontage pour constater la fuite irrémédiable. Le carter de pompe, pourtant en plastique chargé, est déformé et n’assure plus l’étanchéité entre l’entrée et la sortie de la pompe. Je m’interroge sur une telle usure sur un produit qui n’a vécu que quatre années… La chaleur inhabituelle serait-elle en cause dans cette dégradation du produit ? Plus de pompe, cela signifie : pas de vaisselle, pas de toilette, pas de douche. Peut-être faudrait-il réfléchir à une solution alternative (pompe de rechange, pompe de fabrication plus robuste avec carter métallique, pompe manuelle… ?) qui permette d’éviter ces désagréments heureusement survenus à la toute fin du voyage…
Nous écourtons notre séjour dans le parc du Mercantour pour retrouver nos amis au lac de Sainte-Croix un jour plus tôt que prévu. Ils sont installés dans un hameau près de Bauduen. Nous arrivons trois jours trop tard pour la grande fête d’anniversaire, mais plusieurs amis proches sont restés dans cet endroit attachant et nous pourrons nous retrouver pour deux soirées animées, juste perturbées par quelques gouttes et le son-et-lumière d’orages proches.

Jeudi

Journée tranquille à proximité du lac.

Vendredi

Remontée vers le nord pour la dernière étape en Gâtinais.

Samedi

Arrivée en Normandie

[dakure]

Francis, que du bonheur, à part quelques biwacs foireux mais surtout qui montrent leurs visages "de saison" assez tard le soir pour des vadrouilleurs diurnes aux journées bien remplies...

La vallée de la luna est un endroit magique avec, en avril (2013), des éclairages dignes de la Bretagne et de l'Irlande, c'est un endroit à voir absolument!!!
Souvenir d'un nuraghe au bout d'un chemin près d'une étable, peut être le même, ces construction sont très intéressantes à découvrir et à parcourir.

Nous avons aimez cette ile en hors saison, l'éclairage, son rythme de vie, ses gens bourrus à l'intérieur des terres mais avec des sourires au moindre contact et!!! une vrai qualité de vie, car en moyenne, çà bouge sur les côtes et ( mais) l'intérieur "devient" le terrain de jeux de pas mal de 4x4...

Merci pour ce récit complet de votre périple et les photos qui donnent un bel aperçu de votre virée et l'aperçu de cette jolie ile ( la Sardaigne) trop facilement comparée à la Corse, elle a une identité et un vrai charme pour qui la cherche et creuse un peu, c'est un bel endroit à découvrir qui pourrait être associé à un retour (dans ce sens) par la superbe corse, ben oui quand même...

[gaetan]

Merci Francis
Ton compte rendu est un vrai bonheur à lire et m'a fait découvrir ces iles qui me semble attachantes .

[euro6]

Bonjour,

merci pour vos commentaires.
Cette destination improvisée au dernier moment fut finalement une belle découverte pour nous qui n'étions encore jamais allés dans ces îles italiennes.
Comme déjà signalé, la période de plein été n'est pas idéale pour profiter pleinement de ces contrées qui méritent plus qu'un passage trop rapide.

Souvenir d'un nuraghe au bout d'un chemin près d'une étable, peut être le même

Je pense effectivement qu'il s'agit bien du même, Luc !

Je ne peux que conseiller la visite de ces endroits proches de nous et sûrement assez méconnus.
Mon véritable coup de coeur, bien sûr, fut la nuit passée sur le Stromboli. Ce moment là sera vraiment inoubliable.